La Régence à Paris (1715-1723)

le 20 février 2024

L'exposition La Régence à Paris est close. Pardon de ne pas avoir pris le temps d'en souligner plus tôt l'importance (mais nous la signalions dans le calendrier des expositions). La Régence a duré à peine plus d'un septennat, mais que de réalisations dans ce septennat... C'est le début des Lumières, de grands travaux à Paris (L'Elysée, l'Hotel Matignon, le Palais-Bourbon... tous nos lieux de pouvoir actuels!), une politique culturelle aussi, qu'évoque le portrait d'Adrienne Lecouvreur de Charles Coypel: peintre certes (et même, plus tard, premier peintre du roi) mais aussi auteur de théâtre. La dernière acquisition de la galerie Le Polyptyque, Marie-Madeleine au pied de la croix du même Charles Coypel, ne semble-t-elle pas d'ailleurs éclairée par les feux de la rampe ?

Van Gogh à Auvers-sur-Oise Les derniers mois

le 2 janvier 2024

Quand on a lu les livres et vu les films, visité le Musée d'Orsay et le Van Gogh Museum, on croit connaitre Van Gogh. L'exposition – bientôt terminée – que consacre le Musée d'Orsay au final (trois mois, de mai à juillet 1890) de la symphonie pathétique que fut la vie de l'artiste (précédant de trois ans Tchaïkovski) démontre que rien ne vaut les oeuvres "en un certain ordre assemblées" pour étonner encore.
Certaines de plus belles sont en mains privées, dont le fabuleux Portrait d'Adeline Ravoux, d'autres sont venues de musées américains qu'on visite peu (Cincinnatti, Dallas, Toledo...).
Van Gogh a libéré la peinture, dissous l'impressionnisme, lancé l'expressionisme. Les peintres de la décennie 1900, le temps que sa peinture fasse son oeuvre, pourrait-on dire, lui doivent énormément : le premier Picasso, le premier Matisse, ou par exemle cette oeuvre de jeunesse de Delaunay passée par la collection Le Polyptyque.

Donatello au Palazzo Strozzi

le 17 mai 2022

Palazzo Strozzi – Florence du 19 mars au 31 juillet 2022.

A Florence, de la loggia du Musée des Offices, la vue se porte vers l'autre rive de l'Arno et sur la diagonale qui conduit l'oeil jusqu'à San Miniato al Monte, vers une autre loggia, plus modeste : celle de l'appartement où s’était retiré John Pope-Hennessy, après un sacerdoce de 40 ans dans le culte de l'art et des musées (le Victoria & Albert Museum, le British Museum, le Metropolitan Museum…).

Grand spécialiste de l'art italien du Moyen Age et de la Renaissance, il écrivait en 1966, à l'occasion du 500 ème anniversaire de la mort de Donatello, que celui-ci « laissait derrière lui 60 années d'un flux ininterrompu de créativité, transformant en marbre ou en bronze une vision après l'autre ».

Ce que confirme l'exposition Donatello, visible au Palazzo Strozzi jusqu'au 31 juillet : de ces grandes expositions monographiques qui permettent, sans effort, en suivant le fil conducteur des oeuvres, de comprendre l'unité et la complexité d'un artiste. Au cas particulier de Donatello : son indépendance d'esprit – il invente, quand d'autres interprètent ; son réalisme – il entre dans ses oeuvres plus d'émotion que d'idéal ; son sens du mouvement – mais aussi une économie du geste qu'il partage avec son contemporain Masaccio.

Ne manquez pas cette exposition, ne serait-ce que pour les apôtres et martyrs des portes de bronze de la vieille sacristie de San Lorenzo, restaurées, déplacées, éclairées, et que l’œil du visiteur ne se lasse pas de caresser.

Dans le secret des grands décors de Delacroix

le 23 décembre 2021

 Dans le secret des grands décors de Delacroix 

Musée Eugène Delacroix – Paris du 11 septembre 2021 au 28 février 2022.

Pièce importante de la collection du Polyptyque, la feuille d' Études pour le décor du Salon du Roi au Palais Bourbon nous rappelle que Delacroix, immense artiste du 19ème siècle, reste méconnu en tant que peintre décorateur, à la carrière jalonnée de commandes prestigieuses. L’exposition du Musée Delacroix retrace l’histoire de ces chantiers en mettant en avant les nombreuses esquisses et maquettes du maître, ainsi que le travail de ses nombreux assistants.

Après un échec en 1830 au concours organisé pour la salle des séances au Palais Bourbon, Delacroix obtient, en 1833, grâce à l'appui d'Aldolphe Thiers, de décorer le Salon du Roi du même Palais Bourbon. Il choisit comme thème Les forces vives de l'Etat : la Justice, l'Industrie, la Guerre et l'Agriculture.

Fort de ce succès, il reçoit ensuite commande du décor de la bibliothèque de la Chambre des députés du même Palais Bourbon (1838- 1847) puis de la bibliothèque de la Chambre des Pairs du Palais du Luxembourg (1841-1846).

Ces commandes établissent la renommée du peintre dans ce genre. Il entreprend 2 œuvres de grande ampleur, les plus connues car les plus visibles du grand public : le décor de la Chapelle des Saints-Anges dans l'Eglise Saint-Sulpice, commandé le 28 avril 1849 par un arrêté du ministre de l'intérieur (cela l'occupera jusqu'en 1861 et l'incitera à déménager son atelier non loin de l'église, à l'endroit où se situe aujourd'hui le Musée Delacroix) ; et celui de la prestigieuse Galerie d'Apollon du Louvre, terminé pour sa réouverture le 23 octobre 1851.

Le dernier grand décor du maître, le Salon de la Paix de l'Hotel de Ville de Paris, sur le thème de La Paix descendant sur la Terre et représentant des dieux et déesses antiques ainsi que des Scènes de la vie d’Hercule, est aussi le moins connu, la Commune l’ayant incendié en 1871.

Victor Brauner au Musée d'Art Moderne et à la Fondation Bemberg

le 14 septembre 2020

La dernière acquisition de la collection Le Polyptyque, juste avant le confinement, est un remarquable Victor Brauner, l'Anxiété voluptueuse (1962) … Justement cet automne deux expositions, l'une à Paris au Musée d'Art Moderne (à partir du 18 septembre), l'autre à Toulouse à la Fondation Bemberg (jusqu'au 1er novembre), mettent en lumière ce peintre d'exception.

La première est une exposition monographique – la précédente, à Paris, datant de 1972. Elle devait ensuite traverser l'Atlantique pour être présentée à la Fondation Barnes à Philadelphie, voyage annulé semble-t-il. À ne pas manquer, d'après Philippe Dagen dans le Monde qui parle à propos de Brauner toujours du "pouvoir de captation" de son oeuvre. 

La seconde place Brauner dans le cadre plus vaste de la collection réunie par Anne Gruner Schlumberger, aujourd'hui propriété de la Fondation des Treilles. Elle est l'objet d'un autre article très élogieux de Philipe Dagen, qui parle à propos de Brauner d'un « ensemble de premier ordre ».

Studi e Schizzi à la Fondation Custodia

le 9 septembre 2020

Une exposition qui malheureusement n’a rouvert que l’espace de 2 mois à la sortie du confinement, mais qui parlait au cœur du Polyptyque : Studi e Schizzi, à la Fondation Custodia. Merci à l’association Bella Maniera de nous l’avoir fait découvrir, in extremis !

Collection héritée de Frits Lugt et de son épouse, mais encore enrichie régulièrement, elle montre – comme la collection Prat au Petit Palais, visible elle jusqu’au 4 octobre – qu’on peut constituer une collection de dessins de qualité muséale avec l’intellect autant et plus qu’avec le portefeuille. Elle suscite, comme souvent le dessin, le plaisir des comparaisons et des réminiscences. Un exemple : Ce Saint Jérôme pénitent de Palma Giovane, renvoie à la dernière acquisition du Polyptyque, un Saint Jean Baptiste au désert du même auteur, mais aussi à une œuvre à peu près contemporaine, aujourd’hui dans la collection d’une amie et cliente, un autre Saint Jérôme, bolonais celui-là.

Confinement : le moment de penser à votre collection… (suite)

le 7 mai 2020

Dans la foulée des vidéos proposées la semaine dernière, les colloques de la Frick Collection sur l’histoire des collections :

Les collections de dessins

Les collections de sculpture

La peinture flamande en Amérique

La peinture impressionniste

Les collections des banquiers

Confinement : le moment de penser à votre collection…

le 30 avril 2020

Les vidéos de 3 institutions new-yorkaises sur le thème de la collection et des collectionneurs :

A la Frick Collection,  le parcours croisé d’un collectionneur, d’un marchand et d’un directeur de musée, les souvenirs de famille de Lord Rothschild et du Duc de Devonshire, l’histoire de Norton Simon, concurrent de (puis du) Getty, et pourquoi la bulle de l’art contemporain n’est pas nouvelle…

Au Metropolitan Museum, anecdotes et réflexions de 4 intervenants sur le thème du dessin, et à la Morgan Library, le marché des dessins anciens vu par Noel Annesley, un demi-siècle chez Christie’s.

Cézanne et les maîtres. Rêve d'Italie

le 24 avril 2020

Ce blog ordinairement alimenté de voyages et d'expositions se tarit évidemment en temps de confinement. C'est le moment de lire ces catalogues d'exposition que peut-être nous n'avions que parcourus, ou de revenir sur la dernière exposition visitée.

Dans notre cas, Cézanne et les maîtres. Rêve d'Italie au Musée Marmottan. Cézanne et l'art italien donc et non pas Cézanne et l’Italie, car il n'y a jamais mis les pieds. Oui l'art italien, qu'il a connu par la gravure, puis la photographie, et dans les musées, l'a marqué, comme à son tour il a marqué l'art du 20ème siècle. Mais quel artiste n'en porte la marque, et qui n'a-t-il marqué lui-même ? A commencer par Picasso, Matisse...

Justement un tableau de jeunesse, Guillaumin assis sous un arbre (1865), enchante par la même liberté ravageuse que de Matisse un tableau de jeunesse également, le Paysage de Corse (1898) de la collection Le Polyptyque.

Confinement: entretiens avec de grands historiens d'art

le 27 mars 2020

Quelques videos d’entretiens avec de grands historiens d’art qui vous feront oublier le confinement :

Les entretiens du Louvre avec 8 grands historiens d’art.

Les entretiens de Charlie Rose avec :
Ernst Gombrich, le plus grand des historiens d’art du 20ème siècle,
Walter Isaacson, le biographe de Léonard (et de Steve Jobs),
Mikhail Piotrovsky, l’inamovible directeur du Musée de l’Ermitage,
John Richardson, l’incomparable biographe de Picasso.

 

 

Naum Gabo à la Tate

le 31 janvier 2020

La Tate St Ives, avant-poste de la Tate en Cornouailles comme le Centre Pompidou Metz en Lorraine, met à l’honneur (jusqu’au 3 mai 2020) Naum Gabo, un des sculpteurs majeurs du 20ème siècle.

Une rare huile sur papier de cet artiste figure dans la collection Le Polyptyque, comme y a figuré un dessin de son frère Anton Pevsner. Naum Gabo a vécu quelques années en France, et son frère s’y était installé. Alors, à quand une exposition à Metz ?

Léonard ou Greco ?

le 24 janvier 2020

Alors, l’exposition Léonard, au Louvre… ? Eh bien, un peu décevante. Une dizaine de peintures du maître, quelques autres de ses disciples, qui ne sont pas à la hauteur. Comme Michel-Ange, et contrairement à Raphaël, Léonard avance seul, il n’a pas vraiment d’atelier. L’intérêt de l’exposition se déporte logiquement sur le plus intime, les dessins, les croquis, les annotations, et même le plus secret, le dessin préparatoire sous la peinture : beaucoup des peintures absentes sont représentées par la réflectographie. Dès lors, l’exposition trouve son véritable intérêt si on la voit comme une exposition Léonard dessinateur. Et très logiquement, c’est un dessin très pictural, ou si l’on veut une peinture juste esquissée, qui remporte la palme : La Scapigliata, soit l’Echevelée, venue du musée de Parme.

Et l’exposition Greco, au Grand Palais ? Magnifique malgré, ici aussi, un manque : aucun prêt du Prado. Mais le Prado, il n’est pas trop compliqué d’y aller. Alors que Chicago, Cleveland, Toledo (Ohio, mais aussi bien sûr Toledo la Castillane), d’où sont venus autant de chefs-d’œuvre… On voit très clairement comment un peintre de province (la Crète était alors une colonie vénitienne) devient un tenant de la Renaissance tardive, à Venise puis à Rome, et finalement le génie national d’un pays tiers, l’Espagne ; comment il invente un langage pictural qui n’est qu’à lui (avec un atelier certes, mais d’exécutants médiocres) et qui culmine dans la vision radicale, hallucinée, de l’Ouverture du cinquième sceau du Metropolitan Museum – une peinture qui ne sera vraiment comprise que 3 siècles plus tard, par Picasso ou les Expressionnistes.

Luca Giordano au Petit Palais

le 20 novembre 2019

Luca Giordano hérita du surnom taquin  « Luca Fa Presto ». Il peignait vite, il a vécu longtemps, il a beaucoup peint. Bien, néanmoins, ce que démontre l’exposition une fois encore remarquablement agencée du Petit Palais – dont les grands volumes se prêtent à des expositions plus aérées qu’à Jacquemart-André ou au Musée du Luxembourg, et plus aptes à recevoir de grands formats.

C’est aussi, dans la seconde moitié du 17ème siècle, le moins « local », le plus « italien » des peintres, mêlant à son apprentissage napolitain des influences vénitiennes et romaines, et donnant à la Florence de l’avant-dernier Médicis (puis à l’Espagne du dernier Habsbourg) certaines de ses plus belles fresques.

Un artiste éclectique, généreux, irrésistible, à l’art duquel on se « laisse aller », dans un mouvement au fond typiquement baroque. A la génération suivante, Francisco Solimena reprendra le flambeau de la grande peinture, tout en cultivant, à d’autres moments, une veine plus intimiste et classique dont témoigne le Repos pendant la fuite en Egypte de la collection Le Polyptyque....

 

 

Naum Gabo

le 8 octobre 2019

Une des joies de la collection peut être d’aligner des célébrités, des noms devenus comme des marques. Ce peut être aussi d’amener, ou de ramener, au jour de parfaits oubliés, ou méconnus. Il en est une autre, plus subtile, c’est de mettre, ou remettre, à leur vraie place, des artistes qui sans prendre toute la lumière, n’ont jamais non plus sombré dans l’obscurité, des artistes qui comptent vraiment dans l’histoire de l’art.

C’est le cas de Naum Gabo, dont une sculpture emblématique s’est vendue 420.000 £ au marteau (515.250 £ avec les frais), sur une estimation de 150/200.000 £, le 1er octobre dernier chez Christie’s. Le Polyptyque est heureux, après avoir vendu un dessin de son frère Anton Pevsner, d’exposer une des rares esquisses de Naum Gabo.

La collection Alana

le 1 octobre 2019

Les collections privées sud-américaines, peu connues il y a peu de temps encore, s’exposent maintenant à la manière des collections nord-américaines, et jusqu’en Europe : après la collection Perez Simon en 2010, et toujours à Jacquemart-André, la collection Alana (c’est-à-dire, d’Alvaro et Ana Saieh).

Très concentrée sur ce qu’on appelait naguère les « primitifs » italiens, les peintures à fond d’or et de la Renaissance, elle époustoufle par la quantité et parfois la qualité, une accumulation qui n’exclut pas quelques chefs-d’œuvre, et ce n’est pas un reproche. Une collection ne peut plus être composée que de chefs-d’œuvre, et ceux-ci s’apprécient aussi, mieux parfois, « noyés dans la masse ».

C’est en tout cas une occasion unique de capter la magie de cette peinture fine, colorée, qui veut bien faire et sait émouvoir, par exemple ce petit panneau du Trecento bolonais, ou ce Saint Jean du florentin Filippo Lippi. Dans ce registre, le Calvaire du siennois Ugolino di Nerio est une des fiertés de la collection Le Polyptyque...

Chefs-d’œuvre du Guggenheim, la collection Thannhauser

le 31 juillet 2019

L’Hôtel de Caumont est à Aix-en-Provence ce que Jacquemart-André est à Paris, un lieu préservé, dédié à l’art tel qu’on l’entendait du 15ème au 20ème siècle. On peut y voir, jusqu’au 29 septembre, une collection qui fut une galerie : la galerie Thannhauser à Munich, puis à Berlin, avant que le nazisme n’oblige Justin Thannhauser à fuir à Paris, puis à New York où, ami des plus grands artistes (Picasso, ...) et collectionneurs (Rockfeller, ...), il continuera, de son appartement de l’Upper East Side, d’acheter, vendre, collectionner les maîtres modernes.

Le Guggenheim est l’héritier de cette collection puisque, comme l’expliquera Justin Thannhauser, « après avoir vécu 500 ans en Allemagne, ma famille est éteinte ». L’art comme une flamme entretient le souvenir, et la joie aussi, d’admirer Manet, Cézanne, Seurat, Picasso... Ne manquez pas, si vous êtes dans la région, de vous y réchauffer l’âme (et rafraîchir la nuque, merci la clim).

 

 

Berthe Morisot au Musée d'Orsay

le 15 juillet 2019

Il est temps d’aller voir, à Orsay, Berthe Morisot (jusqu’au 22 septembre). L’exposition se limite malheureusement aux tableaux de figures et aux portraits. La centaine de paysages figurant au catalogue raisonné « mériteraient une exposition et une étude en tant que tels », écrit Sylvie Patry, spécialiste de l’artiste et commissaire de l’exposition.

Sans doute, mais la frontière du paysage, chez les impressionnistes et particulièrement Berthe Morisot, plus audacieuse souvent que ses confrères masculins, est mouvante. La Rivière au bois de Boulogne de la collection Le Polyptyque, comme la Leçon au jardin (Denver Art Museum) de la même année 1886, présent dans l’exposition, sont à vrai dire des tableaux de figures... dans un paysage. C’est une des « ambiguïtés stimulantes » dont parlait, à propos de Berthe Morisot, la grande historienne d’art féministe Linda Nochlin.

Berthe Morisot

le 27 juin 2019

Dans Le Monde de jeudi dernier 20 juin, Philippe Dagen souligne l’importance, l’originalité de Berthe Morisot, seule femme à participer à la première exposition « impressionniste » en 1874, et parle avec justesse de « l’effet d’instantané » que procurent ses tableaux.

Il souligne aussi combien l’artiste est aujourd’hui présente dans les collections privées nord-américaines, plus qu’en Europe. Le Polyptyque est d’autant plus fier d’avoir pu rapatrier la Rivière au Bois de Boulogne, d’autant plus rare qu’il s’agit d’un paysage, dont Philippe Dagen note que ce n’est « pas son genre préféré quoiqu’elle y excelle »...

A lire :

Philippe Dagen, « Berthe Morisot, grande peintre avant tout », dans Le Monde, 20 juin 2019.

Utrecht, Caravage et l’Europe

le 20 juin 2019

Sous le titre Utrecht, Caravage et l’Europe (jusqu’au 21 juillet), l’Alte Pinakothek de Munich, décidément l’un des musées européens les plus pertinents quant aux expositions, présente une étude de ce que fut le caravagisme des peintres du Nord, et particulièrement d’Utrecht, bastion catholique au sein des Pays-Bas protestants. Paradoxalement, on en retient surtout le génie d’un italien, Gentileschi (2 tableaux venus d’Hartford et de Braunschweig, des villes qu’on ne visite pas souvent) et de Valentin.

De ce dernier, l’exposition récente au Louvre était formidable, mais un peu fastidieuse. Ici, au milieu de ses contemporains, il brille d’un éclat capital. Bien sûr, Terbrugghen a parfois du génie (le Saint Sébastien d’Oberlin College, que Pierre Rosenberg avait mis en couverture de son bel ouvrage En Amérique seulement). Mais parfois aussi, comme Honthorst, comme Baburen, il verse dans le procédé, ce que ne fait jamais Valentin.

C’est l’intérêt jamais épuisé d’une collection comme d’une exposition. Les œuvres d’artistes (voire d’époque) différents se jaugent plus facilement, on repère les meilleures, on relègue les autres. Les expositions monographiques sont utiles, certes, mais devraient toujours faire une place au contexte, à la concurrence des œuvres.

Verrocchio au Palazzo Strozzi

le 29 mai 2019

La Nuit européenne des Musées, cette année samedi 18 mai, coïncide en Italie avec la journée nationale Cortili e Giardini aperti, qui ouvre au public les cours et jardins des palais en ville et villas à la campagne.

Cette année, ce pouvait être l’occasion d’un week-end à Florence, voir au Palazzo Strozzi l’exposition Verrocchio (jusqu’au 14 juillet). C’est en un sens le prélude à la prochaine exposition Da Vinci du Louvre, puisque Leonard débuta dans l’atelier de Verrocchio, et qu’on voit au Palazzo Strozzi certains de ses dessins et peut-être (probablement) de lui, une statuette en terre cuite récemment « redécouverte » au Victoria & Albert Museum.

C’est une exposition joyeuse. Un peu du fait de ces jeux d’attribution qui déroutent parfois le profane mais excitent le collectionneur. Aussi parce qu’elle évoque un temps mythique et foisonnant, la Renaissance italienne. Surtout parce qu’elle est illuminée de ce sourire énigmatique mais certain que Verrocchio sut donner à son David, à ses Vierges à l’Enfant, et transmettre à Léonard.

Allez-y donc, et revenez l’année prochaine pour tout ce qu’il y a toujours à voir, y compris ces cours et jardins qu’on ne peut voir qu’une fois l’an.

 

 

Rembrandt et les Rothschild

le 7 mai 2019

Après les portraits de Maerten Soolmans et Oopjen Coppit, achetés conjointement par le Louvre et le Rijksmuseum, un autre Rembrandt, d’une autre branche de la famille Rothschild, est à vendre, et le Louvre aimerait l’acheter.

Deux remarques à ce sujet. La première, c’est que toute appréciation esthétique à part – et elle ne serait pas forcément au désavantage de Rembrandt ! –, en se basant seulement sur le critère de la rareté, les prix « astronomiques » de ces œuvres sont plus explicables que des prix équivalents pour un Modigliani ou un Picasso.

La seconde, c’est que l’œuvre vaut beaucoup, beaucoup plus que les 840 £ (environ 1 M€ d’aujourd’hui) payés par James de Rothschild en 1840. L’art (en tout cas l’art non-contemporain) est un investissement de très long terme, dont la valeur est encore accrue lorsqu’il fait corps avec un ensemble, une collection. Achetez d’abord si l’œuvre vous parle. Et si vous pensez aux générations futures. Mais, mieux encore, constituez une collection. La joie, et le profit, en sont multipliés !

La Pinacothèque de Bologne

le 11 avril 2019

Une idée de week-end à laquelle vous n’auriez peut-être pas pensé ? Bologne, qui réunit l’architecture, la sculpture, la peinture, la cuisine... Vol direct depuis Paris.

La pinacothèque est un des plus riches musées d’Italie, notamment pour les « primitifs » et la peinture baroque – ou classique : le 17ème siècle alterne l’un et l’autre, contraires et contigus, c’est le ruban de Möbius de l’histoire de l’art.

On y comprend mieux qu’ailleurs cette notion d’école « régionale » qui correspond peu ou prou aux (petits) Etats italiens de la Renaissance : Milan, Gênes, Venise, Florence, Naples... et Bologne, un peu la capitale « régionale » des Etats du Pape, tandis que Rome attirait les artistes de toute la péninsule, et prétendait à l’universalité.

C’est à Bologne d’ailleurs que le cardinal Paleotti élabora la doctrine artistique de la Contre-Réforme, appelant à parler au cœur des fidèles plutôt qu’aux idéaux esthétiques d’une élite : le merveilleux dessin de la Sainte Famille de Cambiaso (peintre génois, lui) en est une parfaite illustration.

Calouste Gulbenkian, « Mr. Cinq Pour Cent »

le 26 mars 2019

Mr Five per Cent, de Jonathan Colin (en anglais, Profile Books, 2019) est la biographie de Calouste Gulbenkian, un des rares collectionneurs dont le nom est attaché à un musée de classe mondiale, à Lisbonne.

Pendant près d’un demi-siècle, jusqu’à sa mort en 1955, Calouste Gulbenkian touchait un pourcentage (d’où son surnom) sur les ventes du pétrole puisé sur le territoire de ce qui fut l’Empire ottoman, en particulier en Irak. Il le devait à son art de mettre d’accord ceux qu’on appellerait bientôt les « majors » (Shell, Standard Oil, ...).

Ce même don de négociateur lui permit d’acheter à bon compte, entre 1928 et 1930, quelques-uns des chefs-d’œuvre du Musée de l’Ermitage vendus par les Soviets. Mais il avait commencé à collectionner longtemps avant, et ne s’est pas arrêté là.

Ce livre est plus une « business story » qu’une « art story ». Mais de connaître mieux l’homme vous fera mieux apprécier la collection. Car si Jean Paul Getty, cet autre magnat du pétrole, a légué au musée qui porte son nom les moyens de ses ambitions, Calouste Gulbenkian a formé lui-même sa collection, avec l’ambition que lui permettaient, certes, ses moyens.

A lire :

Jonathan Colin, Mr Five per Cent, The Many Lives of Calouste Gulbenkian, The World’s Richest Man, Londres, Profile Books, 2019.

Calder-Picasso

le 21 février 2019

Très belle (épurée, poétique) exposition Calder-Picasso au Musée Picasso. On peut craindre l’exposition de célébrités juxtaposées, qui ne se parlent pas vraiment, mais réduisent au silence leurs contemporains (naguère, l’exposition Rembrandt-Caravage, à Amsterdam). Ce n’est pas le cas ici, où Calder, sans doute, a tout à gagner à voisiner avec Picasso, mais d’où Picasso ressort, on ne sait trop pourquoi, plus humain. Calder-Miró, sans doute, serait plus probant. Mais peut-être moins intéressant.

A la Fondation Custodia

le 5 février 2019

Amateurs de dessin, ne manquez pas l’exposition, à la Fondation Custodia, d’une sélection de la collection du Musée Pouchkine, un sprint intellectuel, en 200 œuvres environ, du 15ème au 20ème siècle. On en sort fatigué, mais content, y compris d’avoir vu, de Fernand Léger, un dessin de femme de la même série que celui passé par Le Polyptyque, après la collection Douglas Cooper.

Le Quattrocento à travers 2 expositions

le 21 janvier 2019

La Renaissance italienne est aujourd’hui comme il y a 100 ans, lorsque Berenson y mettait bon ordre, ou 200 ans, lorsque l’Europe apaisée redécouvrait l’Italie avec un œil neuf, un filon inépuisable de l’histoire de l’art et du goût.

Deux expositions en témoignent. L’une, prolongée d’une semaine, que vous pouvez voir jusqu’au 3 février à Munich : Florence et ses peintres. L’autre qui se termine à Londres mais que vous pourrez voir à Berlin, à partir du 1er mars : Mantegna et Bellini.

Celle-ci est évidemment la plus importante, conçue dirait-on pour illustrer un catalogue qui est une somme sur l’un et l’autre artistes (et dans lequel on trouve l’historique des œuvres exposées, et un index, qui manquent au catalogue munichois).

Mais celle-là, plus fragmentaire puisqu’aussi bien le sujet en est plus vaste (le Quattrocento florentin), n’en est pas moins attachante. Elle met en valeur, par exemple, deux artistes un peu négligés, le dessinateur Maso Finiguerra et le peintre Lorenzo di Credi, dont on peut dire qu’il se mesure à Léonard et que Raphaël se mesure à lui.

3 expositions d’art moderne à ne pas manquer

le 11 décembre 2018

Dommage que le mouvement des gilets jaunes dissuade les touristes de venir au moment même où Paris offre une combinaison unique, de mémoire d’amateur, d’expositions à ne pas manquer. Pour ne parler que de peinture moderne, Picasso Bleu et Rose à Orsay, Le Cubisme à Beaubourg, et Miró au Grand Palais.

Picasso Bleu et Rose est la plus extraordinaire, par la qualité des prêts consentis par des musées qu’on a peu l’occasion de fréquenter (Göteborg, Hakone, Cleveland ou Toledo). Le Cubisme, la plus exhaustive et qui montre bien la formidable accélération qui va de Cézanne à Malevitch et Mondrian, en une génération, et qui passe par la « déconstruction » cubiste. Ce n’est pas un hasard si beaucoup des œuvres de la collection Le Polyptyque datent de ces années 1890 à 1920. Enfin Miró, la plus complète dans son genre, centrée sur l’œuvre et la vie d’un artiste dont elle restitue la part humaine, l’humour, le travail.

Tintoretto au Palais des Doges et à la Galleria dell'Accademia

le 26 octobre 2018

Pour qui se cherche une raison de céder à la tentation de Venise, la double exposition Tintoret (à la Galleria dell’Accademia, les années de jeunesse, et au Palais des Doges) devrait suffire. La première, mieux que la récente exposition du Musée du Luxembourg, replace l’émergence du peintre dans le contexte de la Renaissance troublée d’après le sac de Rome. La seconde réunit des chefs-d’œuvre venus des deux côtés de l’Atlantique – elle partira ensuite à Washington.

Le visiteur qui, comme la magie de Venise y incline, laisse sa pensée vagabonder et s’imprégner des œuvres, réalise à la fin que, sans Tintoret, et Rubens qui deux générations plus tard reçut de Venise la première révélation de l’art italien, point de peinture baroque telle que nous l’admirons. Regardez simplement le Miracle de l’esclave, du premier (1548) et le Massacre des innocents, du second (1612).

 

Dianne Dwyer Modestini : Masterpieces

le 12 septembre 2018

Federico Zeri, le dernier grand historien de l’art italien, avait l’éloge rare. Mais dans J'avoue m'être trompé, il décrit Mario Modestini comme « le meilleur artisan dans ce domaine » (la restauration de tableaux), avec « l’œil d’un grand connaisseur » et « une culture étendue à tous les domaines ».

Mario Modestini (1907-2006) épousa sur le tard Dianne Dwyer, qui travaillait au Metropolitan Museum et poursuivit son activité au côté de son mari, puis seule. C’est elle qui a restauré, de 2006 à 2011, le Salvator Mundi de Léonard de Vinci, vendu 450 millions de dollars en 2017.

L’histoire de cette restauration constitue le dernier chapitre de Masterpieces, qui sont en fait les mémoires de Mario Modestini mis en forme, commentés et complétés par Dianne.

C’est l’histoire de l’art, et du marché de l’art, vue par le microscope, mais interprétée par l’immense intelligence et modestie de ce couple étonnant. Vous y apprendrez beaucoup, sur la restauration bien sûr (et la querelle des « humanistes » et des « scientifiques »), les faussaires, les marchands, les musées américains, l’Italie mussolinienne, l’Amérique de l’après-guerre... A page-turner, comme on dit là-bas.

A lire :

Dianne Dwyer Modestini, Masterpieces. Based on a manuscript by Mario Modestini, Florence, Cadmo, 2018.

Les Impressionnistes à Londres, au Petit Palais

le 4 septembre 2018

Depuis quelques années, les expositions du Petit Palais sont un modèle du genre, tant par le sujet que la muséographie. Après Les Hollandais à Paris, Les Impressionnistes à Londres donc.

Vous passerez, comme les artistes eux-mêmes, du Paris dévasté de 1871 au Londres « that never sleeps », comme on le dit aujourd’hui de New York. Vous réaliserez que Monet, à ses débuts, n’est pas si loin de Tissot. Vous vous émerveillerez des 5 vues du Parlement par Monet, et de cette autre (Big Ben) par Derain, qui clôt l’exposition. Elle vient du Musée de Troyes et de ce collectionneur extraordinaire (et roi de la bonneterie) qu'était Pierre Lévy.

Tous les artistes n’avaient pas franchi la Manche. Boudin s’était réfugié en Bretagne, et y a peint un des paysages les plus attachants de la collection Le Polyptyque...

Monet et l'Architecture, à la National Gallery

le 1 juillet 2018

Ce blog prend un tour grognon. Après les expositions privées de contexte, les expositions pauvres en prétexte. Monet et l'architecture, c'est un titre accrocheur, pas un sujet. Monet se fichait de l'architecture, il s'intéressait à la lumière, à la couleur, à la dissolution de la forme quand l'architecture en est, au contraire, la cristallisation.

Ce n'est pas grave. On est content de voir ou de revoir le Boulevard des Capucines (1873) du Musée Pouchkine à Moscou, la Vue de Bordighera (1884) du Musée Armand Hammer à Los Angeles, La Maison du jardinier à Antibes (1888) du Musée de Cleveland, le Palais des Doges (1908) du Musée de Brooklyn - presque un Rothko.

Chagall, Lissitzky, Malevitch au Centre Pompidou

le 19 juin 2018

L'avant-garde russe à Vitebsk est le sous-titre de l'exposition, plus précis évidemment que l'alignement de grands noms censé attirer les foules. C'est un peu le probléme : Vitebsk fut un lieu éphémère, comme on dit aujourd'hui, un moment circonscrit, dans la Russie post-révolutionnaire, d'une ébulition artistique vite évaporée par l'émigration des artistes.

Deux regrets donc. L'un que cela nous prive d'un regard sur les artistes tout aussi importants basés, à la même époque, à Moscou (dont Pevsner) ou Saint-Petersbourg. L'autre, qu'on ne nous dise pas ce que sont devenus, par la suite, ceux restés en Russie.

Peggy Guggenheim / Marguerite d’Autriche : deux collectionneuses à travers l’histoire

le 29 mai 2018

Peggy Guggenheim, mécène d’art américaine du 20ème siècle, d’une part, et Marguerite d’Autriche, princesse et « femme d’état » du 16ème siècle : le rapprochement peut paraître osé, tant le parcours et les mœurs des deux femmes sont éloignés. Mais elles furent toutes deux des femmes d’influence, et rassemblèrent une collection d’art inégalable.

Marguerite d’Autriche (1480-1530) se passionna pour les « primitifs flamands », de Jan Van Eyck à Jan Gossaert, en passant par Rogier Van der Weyden et Hans Memling. Son rôle dans la « Renaissance du Nord » n’est plus à démontrer. Elle légua ses tableaux au Monastère de Brou, qu’elle avait fait construire près de Bourg-en-Bresse ; avant qu’ils ne fussent dispersés aux quatre coins de l’Europe. Quelques-uns sont de retour dans une exposition qui présente, jusqu’au 26 août 2018, les « Trésors de Marguerite d’Autriche », avec un catalogue de qualité.

Peggy Guggenheim (1898-1979) décida de consacrer sa vie aux artistes. Elle y parvint plutôt bien : dans une époque d’effervescence artistique, elle constitua l’une des plus importantes collections d’art du 20ème siècle et ouvrit, en 1952, un musée personnel à Venise. La biographie de Francine Prose, publiée en avril, revient sur son rôle dans la promotion de l’art de son temps, ainsi que sur son image de femme moderne, parfois attaquée sur son comportement de « petite fille riche » et supposément nymphomane.

Ces deux publications, à travers le parcours croisé de ces deux femmes d’exception, rappellent que collectionner est une passion, mais aussi un art.

A lire : 
Francine Prose, Peggy Guggenheim, Le choc de la modernité, Paris, Tallandier, 2018 ;
Magali Brat-Philippe, P.G. Giraud, La collection de Marguerite d'Autriche, De Van Eyck à Van Orley, Rennes, Presses Universitaires Rennes, 2018.

Collectionner avec John Maynard Keynes

le 28 mai 2018

Un blog du Wall Street Journal signale une étude intéressante sur la collection d’art de l’économiste John Maynard Keynes, ses prix d’achat et la valeur des œuvres aujourd’hui. Il en ressort un retour sur investissement, dans le long terme, pratiquement équivalent aux actions… sans compter le « rendement esthétique », le plaisir que procurent les œuvres.

Double Vision, de William Middleton

le 15 mai 2018

Double Vision, de William Middleton (en anglais, Knopf, 2018) est la biographie de Dominique (née Schlumberger) et John de Menil. Une biographie à l’anglo-saxonne (dont le Proust de George D. Painter est à jamais l’archétype), détaillée, contextuelle (encore qu’ici l’hyper-personnalité du couple prive un peu d’oxygène la description de leur milieu, même leur famille proche) et finalement, passionnante.

C’est l’histoire d’une start-up qui devient une multinationale (Schlumberger), d’une jeune fille de la grande bourgeoisie orléaniste et protestante française qui devient la grande dame de la capitale américaine du pétrole, Houston, et d’un couple fusionnel qui passe en une vie de l’austérité pour elle, la pauvreté pour lui, à l’état de milliardaire ; du conservatisme le plus étroit à l’activisme le plus en pointe (pour les droits civiques aux Etats-Unis, et la paix dans le monde) ; et d’une indifférence polie à la passion la plus extrême pour l’art et la collection. La Menil Collection, le musée construit (comme la Fondation Beyeler à Bâle) par l’architecte Renzo Piano, et la chapelle Rothko, parfois qualifiée de Sixtine du 20ème siècle, à Houston, sont leur œuvre.

Le Polyptyque n’a d’autre ambition, certes immodeste, que de susciter de pareilles vocations !

A lire :
William Middleton, Double Vision: The Unerring Eye of Art World Avatars Dominique and John de Menil, New York, Knopf, 2018.

Au Los Angeles County Museum of Art

le 12 mai 2018

Cette rubrique inclut la vidéo, et nous ne saurions trop vous recommander de vous abonner à la Tribune de l’Art et de suivre la visite du Los Angeles County Museum of Art, en compagnie de J. Patrice Marandel, son ancien conservateur en chef (7 épisodes de quelques minutes). C’est drôle, instructif et modeste à la fois, on aime !

Delacroix au Louvre

le 19 avril 2018

Une exposition commune au Louvre et au Metropolitan Museum de New York est une exposition condamnée au succès, voire à la gloire, comme en un sens Delacroix lui-même (« vous me traitez comme on ne traite que les grands morts », dit-il). Les grandes peintures y sont en force, les dessins y ont peu de place, le maître y règne seul, ses prédécesseurs (Gros), ses émules (mais Géricault disparu, nul ne vint à sa hauteur) n’y entrent pas.

On discerne d’autant mieux combien Delacroix incarne à lui-seul le romantisme en peinture, comme Hugo en littérature, puisant à toutes les sources de ce courant, du Moyen Age à l’Orient.

La collection Le Polyptyque a abrité deux dessins, l’un de ses débuts (Faust et Méphisto), l’autre de sa pleine maturité (Études pour le salon de la Paix de l'Hôtel de Ville de Paris et pour la chapelle des Saints-Anges de Saint-Sulpice).

 

 

Les Hollandais à Paris, au Petit Palais

le 17 avril 2018

En collaboration avec le musée Van Gogh d’Amsterdam, le Petit Palais retrace les liens entre artistes français et néerlandais, de 1789 à 1914. Dans cet exercice d’esthétique comparée, on trouve côte à côté Spaendonck et David, Jongkind et Boudin, Van Dongen et Picasso, Mondrian et Cézanne, et, bien évidemment, une très belle salle consacrée aux peintures parisiennes de Van Gogh.

On retiendra le rapprochement entre Paysage avec rochers, Fontainebleau (1864), de Jacob Maris, et Lisière de la forêt de la Fontainebleau (1850) de Corot, rappelant sans conteste, quoique de facture moins audacieuse, le Sommet de carrière boisé de la collection Le Polyptyque.

 

 

Tintoret au Musée du Luxembourg

le 27 mars 2018

L’œuvre de jeunesse est toujours intéressante, qu’elle montre un artiste immédiatement maître de son art, Mozart ou Bonington, ou qui se lance dans une exploration d’autant plus fascinante que le terme n’en est pas connu, Delaunay ou Matisse.

Tintoret (à la différence de Titien) relève plutôt de l’exploration. La Tribune de l’Art a fait une critique très juste de l’exposition Naissance d’un génie au Musée du Luxembourg. On peut y ajouter que puisqu’il semble bien que Tintoret se soit formé auprès de Bonifacio de Pitati, quelques toiles de ce peintre eussent été bienvenues.

Faut-il y aller donc ? Oui, pour le plaisir que procurent le Jésus parmi les docteurs du Duomo de Milan (spectaculaire), le Portrait d’homme à barbe blanche de Vienne (tellement humain), la Sainte Famille avec le jeune Saint Jean-Baptiste de Yale (une esquisse à la Rubens, avant Rubens), et la furie pré-romantique de l’Enlèvement du corps de Saint-Marc de Bruxelles. Pour constater aussi que même des très grands, il reste des œuvres en mains privées, par exemple Suzanne ou le Réveil de Psyché (cf. photo en une), merveilleuse « poesia » très évocatrice des idéaux de la Renaissance, de l’inscription de l’humain dans la nature et l’architecture.

On trouve tout à la foire de Maastricht

le 16 mars 2018

On trouve tout à la Foire de Maastricht. On peut y faire un choix personnel, éclectique, et fantasmatique souvent, au vu des prix. Par exemple, un torse de Bouddha aux lignes musicales (Ben Janssens), un bronze ajouré de l’Egypte ptolémaïque (Sycomore), le portrait d’un fat arrogant par la proto-féministe Artemisia Gentileschi (Robilant + Voena), l’antique revu par le baroque chez le vénitien Sebstastiano Ricci (Jean-Luc Baroni), un Corot magique (Sankt Lukas), un spectaculaire Simon Hantaï (La Bérandière), un Maurice Denis (Thomas Salis) qui le replace au niveau de Bonnard et de Vuillard, dans ces dix premières années du siècle que privilégie Le Polyptyque. Vous trouverez les photos de ces 7 objets sur notre page Facebook.

Une mention spéciale à la visite en vidéo du stand d’Eric Coatalem (avec, au mur de droite, une rare et subtile Assomption de Laurent de La Hyre).

Courez-y, ce week-end encore.

Bernini à la Villa Borghese

le 23 février 2018

Il est triste de parler d’une exposition qu’on a vue dans ses derniers jours, que personne ne verra plus (mais que vous n’aurez pas manquée, si vous consultez régulièrement notre rubrique « A voir »).

Il en reste le catalogue, et celui de l’exposition Bernini (le Bernin) à la Villa Borghese est un modèle du genre, qui s’intéresse à la vie et l’œuvre du sculpteur, mais aussi à sa « fortune critique » et son milieu. Il en reste bien sûr aussi la Villa Borghese elle-même, unique par son emplacement, son architecture, son décor, et les trésors qu’elle abrite (y compris, à demeure, quelques chefs-d’œuvre du Bernin).

La dernière œuvre de l’exposition, et du Bernin, est un Christ bénissant redécouvert en 2001 dans un monastère des faubourgs de Rome. A certains égards il fait écho au Christ souffrant de la collection Le Polyptyque, qui lui est antérieur de plus d’un siècle et demi. Ce n’est pas étonnant : Eugenio d’Ors, entre autres, a souligné la conjonction stylistique du gothique finissant et du baroque.

 

 

A l'Ermitage Amsterdam

le 23 janvier 2018

On parle beaucoup du Louvre Abu-Dhabi, moins de l’Ermitage Amsterdam. Certes, il n’y a pas de collection permanente, mais depuis 2009 ce très ancien bâtiment abrite de longues expositions (généralement six mois) d’œuvres venues de Saint-Pétersbourg : jusqu’au 27 mai, une sélection du « Siècle d’Or », le 17ème siècle hollandais, privilégié dans les achats de Catherine II notamment.

On y trouve un Paysage d’hiver de Van Goyen, de la même période et dans les mêmes tons que le majestueux Paysage fluvial de la collection Le Polyptyque. Ce dernier, sur toile (une rareté), préserve mieux la magie des nuages filant à l’est que le panneau de bois, qui semble les agripper et freiner leur course.

On y trouve aussi, en haut à droite de l’un des tableaux les plus populaires de l’Ermitage, la Punition du chasseur de Paulus Potter, une scène qui n’est pas de lui, mais de Cornelis van Poelenburgh. Le premier, peintre animalier, a fait appel au second, plus versé dans la mythologie, pour illustrer l’épisode ovidien de Diane et Actéon. Les nus, les drapés, sont très proches du merveilleux Diane et ses suivantes de la collection Le Polyptyque. Là encore, le support importe : ce dernier, sur cuivre, est d’autant plus lumineux.

S’il fallait, de la soixantaine de tableaux exposés, n’en retenir qu’un, ce serait évidemment la Jeune femme à la boucle d’oreille de Rembrandt. On rêve d’une confrontation avec la Jeune fille à la perle de Vermeer : le peintre de l’ombre et du mouvement, celui de la lumière et de l’instant suspendu...

Museo Bardini et Museo Horne à Florence

le 18 janvier 2018

Où passer un « petit » week-end, un samedi plus un dimanche, à la dernière minute ? A Florence. Un vol de cent minutes, le centre-ville à dix minutes de l’aéroport, et concentrant plus de richesses artistiques qu’ailleurs toute une région.

Si vous y alliez si souvent que vous auriez le sentiment d’avoir tout vu, il y aurait encore, à deux minutes l’un de l’autre, deux musées « boutique », pourrait-on dire : la collection d’un antiquaire, au Museo Bardini ; la collection d’un érudit, au Museo Horne.

Bardini fut le principal achalandeur des Jacquemart-André, d’où un certain air de famille avec le musée parisien. Horne avait une prédilection pour les « primitifs italiens », dont un beau diptyque de Simone Martini de la même période (et de la même qualité) que le Calvaire d’Ugolino di Nerio dans le collection Le Polyptyque.

Matisse et Bonnard à Francfort

le 26 décembre 2017

Le Städel Museum, à Francfort, a eu la bonne idée de réunir en une exposition Bonnard et Matisse, deux peintres présents dans la collection Le Polyptyque. Comme c’est de surcroît un musée bien tenu, dans chaque salle on peut s’asseoir et consulter le catalogue. Déception : la couleur des reproductions pâlit devant les originaux. Et la couleur, chez Bonnard (sa vibration), les couleurs, chez Matisse (leur explosion), c’est quand même essentiel...

Donc allez-y (jusqu’au 14 janvier), voyez par vous-même, gorgez-vous de tableaux qu’on a peu l’occasion de voir, le Nu couché, fond de carreaux blancs et bleus de Bonnard (1909), presque un Lucian Freud ; L’Asie de Matisse (1946), qu’il avait prêté à Bonnard. Une admiration mutuelle, entre deux peintres au fond très différents, plus que l’émulation qui jouait entre Matisse et Picasso, c’est ce dont cette exposition porte le témoignage, sérieux mais roboratif.

Rubens et Raphaël à Vienne

le 6 novembre 2017

L’Albertina expose ses dessins de Raphaël uniquement, sans y inclure ses élèves et les distrayantes questions d’attribution qui s’y attachent ; ainsi que ceux de l’Ashmolean Museum d’Oxford, coprésentateur de l’exposition, mais aussi quelques-uns,parmi les plus beaux, du Louvre, de Lille (très riche en la matière) et d’ailleurs, et quelques peintures de petit format. Le tout compose un parcours en pointillé, pourrait-on dire, mais complet, des 20 ans qui séparent le débutant doué du demi-dieu des arts.

Le parcours de Rubens est à peu près le double, 40 ans d’activité. Le Kunsthistorisches Museum assemble, autour des esquisses, tableaux et grands retables de sa collection, d’autres tableaux, dessins et sculptures, en quelques thèmes : la représentation du corps, le mouvement, la métamorphose... et pose ainsi la question de l’inspiration (si vague que soit ce mot, il prend ici toute sa signification) de Rubens. Au fond, ce peintre était, d'abord, un chorégraphe.

Excursion à Chantilly, dans l'univers de Poussin

le 5 novembre 2017

Le château de Chantilly met Poussin à l’honneur par une double exposition.

Au cabinet d’arts graphiques récemment rénové, les dessins de la collection Reiset-Duc d’Aumale sont mis au jour, études d’après l’Antique ou des maîtres italiens, et dessins préparatoires aux chefs-d’œuvre tels que l’Adoration des Mages (Dresde).

L’exposition parallèle Le Massacre des Innocents montre les versions et l’étude approfondie du thème par Poussin, ses contemporains, et jusqu’à aujourd’hui. En point d’orgue, la toile magistrale de Guido Reni venue expressément de Bologne !

L'art du pastel au Petit Palais

le 5 octobre 2017

Le Petit Palais recèle une magnifique collection de pastels, forcément fragiles, rarement montrés. Cet ensemble représentatif du renouveau de la technique à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle, sort aujourd’hui des réserves.

L’exposition met à l’honneur, à côté de grands noms tel Degas ou Redon, des artistes méconnus. On découvre les nocturnes d’Alexandre Nozal, les ciels mouvants de Léon Clavel, dit Iwill.

L’œil est flatté par cette vibration de couleurs, au confluent du dessin et de la peinture… Résonnent ces mots de Huysmans « le pastel a une fleur, un velouté, comme une liberté de délicatesse et une grâce mourante que ni l’aquarelle, ni l’huile ne pourraient atteindre » (L’Exposition des Indépendants en 1881), si parfaitement illustrés par le Petit bouquet tricolore de la collection le Polyptyque.

Portraits de Cézanne à Orsay

le 10 août 2017

On pourrait craindre de s’ennuyer, dans une exposition exclusivement consacrée au portrait, qui plus est de Cézanne dont on connaît l’apostrophe à Vollard, pendant une séance de pose : « Il faut se tenir comme une pomme ! ». Du portrait considéré comme une nature morte, donc.

Au contraire, d’avoir focalisé sur ce thème permet de comprendre que ce qui intéresse Cézanne dans un portrait, comme dans une nature morte ou un paysage, c’est finalement la peinture elle-même, plus que la personne. « Dévitaliser », en quelque sorte, ses personnages, c’est au fond un premier pas vers l’abstraction.

Au passage, on réalise non seulement que Cézanne ouvre la voie au cubisme (Portrait d’Alfred Hauge, à West Palm Beach, Florida), mais aussi à Matisse (Madame Cézanne à la jupe rayée, à Boston) et Modigliani (Madame Cézanne en rouge, à Sao Paulo)...

Assessing the Old Master market

le 25 juillet 2017

Sur le blog Grumpy Art Historian, un point de vue de Michael Savage (dont il se trouve que comme les animateurs du Polyptyque, il vient du monde de la finance) sur le marché de l’art ancien.

Ne résistons pas au plaisir de citer sa conclusion : « It’s not a slight on old masters, or on the people who market them for a living, to say that the market is weak. I see it more as an indictment of the taste of the rich, but we shouldn’t take rich people’s taste too seriously. If you have even a little spare money you can buy pictures that really ought to be out of your league. Enjoy it while it lasts. »

Dessins génois du Louvre

le 25 juin 2017

Le Louvre expose une sélection de ses dessins génois du 16ème au 18ème siècle. Deux des artistes exposés, Luca Cambiaso et Domenico Piola, qui chacun à leur époque dominaient la scène artistique génoise, figurent dans la collection Le Polyptyque. De ce dernier, La Découverte de Romulus et de Remus est un sujet qu’on retrouve dans un dessin du Louvre, d’une composition différente, d’une qualité moindre, et dont l’attribution varie.

Cette exposition rappelle la richesse sans égale du dessin italien, quand on réalise que Gênes n’était jamais qu’un des 5 ou 6 centres artistiques majeurs de la péninsule : une diversité synonyme d’émulation constante, pour les artistes de l’époque, et d’opportunité, pour les collectionneurs d’aujourd’hui.

Peindre la banlieue

le 11 juin 2017

L’exposition Peindre la banlieue, de Corot à Vlaminck est passée du Musée de Rueil-Malmaison à celui d’Issy-les-Moulineaux (jusqu’au 13 août). On y voit le produit de la vie moderne pressentie par Baudelaire, et de la peinture sur le motif développée à Barbizon.

Corot évite la ville et quand il peint la banlieue, le plus souvent les maisons sont à-demi cachées, c’est le cas dans L’Etang à l’arbre penché du Musée de Reims, présent dans l’exposition, comme dans Faneuses à Ville d’Avray, qui fit la couverture du premier catalogue Le Polyptyque.

Jusqu’en 1900 environ la banlieue est une campagne proche, mais distincte, de la ville. Des peintres dont le nom ne se trouve plus guère qu’au fronton d’un lycée… de banlieue, comme Maurice Eliot à Epinay-sous-Sénart, étaient d’abord des peintres de la vie rurale. Après 1900, c’est plus une excroissance urbaine, et c’est ainsi que la voit, notamment, Vlaminck.

A propos de Venise

le 28 mai 2017

Venise est une fête, quelque Hemingway du 18ème siècle l’a certainement écrit, il serait intéressant d’ailleurs de suivre la fête, au fil des siècles, de ville en ville : Florence, Venise, Vienne, Paris, New York…

Commencez par l’exposition Sérénissime (jusqu’au 25 juin) au Musée Cognacq-Jay : un bijou muséographique. Peu d’œuvres, peu d’espace, mais parfaitement mis(es) en valeur. Visitez, dans la foulée, les collections du musée - l'ancienne collection des Cognacq-Jaÿ, fondateurs de la Samaritaine - et goûtez la cuisine végétarienne du café éphémère, installé jusqu’au 1er octobre dans la cour de l’hôtel Donon.

Poursuivez à Londres avec l’exposition Canaletto (jusqu’au 12 novembre) à la Queen’s Gallery, une annexe de Buckingham Palace. Là au contraire beaucoup d’œuvres, beaucoup d’espace, un peu comme les galeries princières des tableaux de Teniers ou de Pannini. Le tout est somptueux, et le détail savoureux.

Venise exerçait une sorte de « soft power » avant la lettre, qui conduisit George III à acheter en bloc la collection du consul Smith, encore aujourd’hui le plus grand ensemble au monde de peintures et dessins de Canaletto.

L’exposition permet aussi de (re-)découvrir des artistes de second plan, mais de premier ordre, comme Sebastiano Ricci. En art aussi, l’arbre tend à cacher la forêt, et c’est pourquoi, malgré tant d’œuvres dans les musées, constituer une collection est encore possible.

Tokyo-Paris, une exposition trop discrète

le 14 mai 2017

Au Musée de l'Orangerie se cache, tant on en parle peu, pourtant la plus belle exposition de ce printemps parisien: la collection Ishibashi et du Bridgetone Museum. Les Ishibashi sont la famille actionnaire de Bridgetone : un peu comme s'il existait en France une collection Michelin...

Mais aucun industriel français n'a collectionné à une telle échelle, et sur trois générations. Vous y verrez cette chose si rare chez Sisley, un chef d'oeuvre  (Saint Mammes et les coteaux de la Celle, 1884). Et d'autres, de Monet (Crépuscule à Venise, 1908), un plâtre de Brancusi (Le baiser, 1910), Picasso (Saltimbanque aux bras croisées, 1923)

Comme disait avec une exquise modestie Shoijiro Ishibashi, le fondateur de Bridgetone et de la collection : "Tout en m'investissant pleinement dans mes activités professionnelles, je priai des marchands de confiance de m'apporter de belles toiles, et je pris grand plaisir à sélectionner celles qui me plaisaient"... C'est aussi simple que ça ! 

 

 

Michelangelo et Sebastiano

le 2 avril 2017

Sebastiano del Piombo, natif de Venise, fit l'essentiel de sa carrière à Rome, dans le sillage de Michel-Ange dont il fut l'allié, ou l'instrument, dans la rivalité qui l'opposait à Raphaël puis à ses élèves, et qui lui procurait « en douce » idées et dessins préparatoires.

Une exposition à la National Gallery de Londres résume brillamment cette collaboration. On y retrouve ce qui fait le charme de l'art ancien, son rapport à l'Histoire avec un grand H. D'abord dans le moment de sa conception, et c'est particulièrement vrai de la Rome des Papes et de la Renaissance : l'Art fait alors partie intégrante de l'Histoire. Ensuite l'Histoire travaille les oeuvres : les abîme, les disperse, en efface les traces, créant ces lacunes et ces doutes qui donnent à l'art sa poésie diffuse, mais aussi son côté "detective story".

C'est donc le moment de voir ces oeuvres que vous verriez difficilement in situ : le grandiose, quoiqu'inachevé, Jugement de Salomon de Kingston Lacy (dans le Dorset), qu'on a pu croire de Giorgione ; et l'impressionnante, pré-romantique, Pieta de Viterbe (dans le Latium), où l'influence du sculpteur sur le peintre est la plus sensible. L'attitude de la Vierge y est inspirée des ignudi de la Sixtine ; et le Christ étendu y semble un corps de pierre sur un linceul de marbre...

Du dessin au tableau au siècle de Rembrandt

le 10 février 2017

La fondation Custodia, héritière du collectionneur et expert Frits Lugt, auquel on doit le répertoire des marques de collection de dessins et d'estampes, présente une exposition sur le thème du dessin préparatoire au tableau.

C'est l'occasion, entre autres, de voir ensemble le portrait, venu d'Edimbourg, des jumeaux Clara et Albert de Bray, peints par leur grand-oncle Salomon de Bray, et son dessin préparatoire, venu de New York. On y retrouve le même tranquille émerveillement que dans le dessin de Cornelis de Vos passé dans la collection Le Polyptyque avant de rejoindre, à Francfort, le tableau correspondant.

Dans le dessin de Salomon de Bray, les jumeaux dorment dans un berceau tout simple mais dans le tableau, ils sont bien éveillés dans un berceau imaginaire, évoquant une conque marine où la draperie ondoie comme une vague : le tout (et la médaille qu'ils portent au cou) renvoyant à la célébration du baptême. L'art ne se regarde pas seulement, il se lit et procure, à nos âmes d'enfant, le plaisir d'un livre d'images.

Cy Twombly à Beaubourg

le 22 janvier 2017

Cy Twombly est un des rares artistes contemporains (mort en 2011) qui ait quelque chose à dire, peut-être à apprendre, aux amoureux de l'art classique. En surface, c'est un expressionniste abstrait, un tenant de l'action painting, un pur produit de l'Amérique. Au fond c'est un peintre d'histoire, si l'on reprend les classifications académiques. Comme Bernin le disait de Poussin (avec plus d'ironie sans doute qu'on ne l'imagine généralement), il travaille de la tête.

Comme Poussin d'ailleurs, c'est en s'expatriant à Rome qu'il a trouvé sa voie. Voyez l'exposition que lui consacre Beaubourg. Bien sûr ce sont des gribouillis : mais des gribouillis vécus, et pensés. L'anti-Magritte en quelque sorte, que Beaubourg, drôlement, expose en même temps. 

La collection Chtchoukine

le 2 janvier 2017

Les média nous ont donné les raisons d'aller voir, à la Fondation Vuitton, la collection Chtchoukine. S'il fallait n'en donner qu'une, ce serait de voir ou revoir le Déjeuner sur l'herbe de Monet.

C'est un des quelques tableaux au monde qu'il semble impossible de ne pas aimer, un tableau à contempler longuement, à détailler complètement, pour y trouver toujours de nouveaux bonheurs. De ceux dont aucune reproduction ne peut restituer la magie, plus encore : dont alors qu'il ne manque jamais d'émerveiller, aucune reproduction ne manque de décevoir, de choquer même. La vie n'y est plus, alors qu'elle est y est toute. 

Beyond Caravaggio

le 4 décembre 2016

Beyond Caravaggio, à la National Gallery de Londres, ne prétend ni révéler un savoir, ni renouveler une vision - de telles expositions sont-elles encore concevables ? Elle offre, simplement, une sélection intelligente d'oeuvres caravagesques conservées en Grande Bretagne et en Irlande. Mais une oeuvre a traversé l'Atlantique et pour elle, il faut traverser la Manche : le Saint Jean-Baptiste de Caravage lui-même, à Kansas City.

Un autre Caravage est venu de Dublin, L'Arrestation du Christ réapparue en 1993, toute de violence contenue, où l'articulation des formes, les jeux de lumière, la gamme chromatique concourent parfaitement à l'effet.

Enfin Le Repos pendant la fuite en Egypte d'Orazio Gentileschi, à Birmingham, amène à penser que si Caravage est désormais et depuis une cinquantaine d'années un incontournable de l'histoire de l'art, Gentileschi touche plus aisément notre sensibilité contemporaine. On est en présence, à certains égards, d'une "installation"... Voyez aussi le lit de Danaé, record de cet artiste en ventes publiques, qui vaut bien My bed, de Tracey Emin !

La collection Tessin

le 9 novembre 2016

Le Louvre expose la collection d’un amateur d’art contemporain…mais qui savait aussi apprécier l’art moderne, celui du siècle précédent, et même de l’art ancien.

Lors de ses différents séjours à Paris, entre 1714 et 1749, l’aristocrate suédois Carl Gustav Tessin achète Lancret, Pater, Boucher, Chardin, Oudry… Tableaux exécutés à la commande ou frais sortis de l’atelier, qui permettent après trois siècles ou presque de redécouvrir cette peinture dont le goût fut particulièrement cyclique : parfois décriée, puis qu’on redécouvre, cette fois encore, avec un vrai plaisir.

Mais Tessin achetait aussi des peintures du siècle précédent, par exemple une remarquable Jeune femme de profil de Rembrandt. Et des dessins plus anciens, dont une non moins remarquable Jeune femme aux cheveux tressés de Dürer.

De quoi susciter des vocations de collectionneur, peut-être !

Fantin-Latour

le 2 septembre 2016

Le Musée du Luxembourg accueille Fantin-Latour. On en retire l’impression d’un peintre sensible, parfois somptueux (le Portrait de Charlotte Dubourg). A certains égards l’anti-Cézanne, dont il est le contemporain. Ce dernier, portraiturant Vollard, lui demandait de « se tenir comme une pomme ». Fantin-Latour au contraire : « On peint les gens comme des pots de fleurs (…), mais l’intérieur ? L’âme est une musique qui se joue derrière le rideau de chair ».

A propos de pots de fleurs, il est intéressant de rapprocher une nature morte de 1862, Narcisses et tulipes, du Petit bouquet tricolore d’Odilon Redon, dans ce qu’on pourrait appeler la veine contemplative du symbolisme.

Musées de la Côte Est

le 21 août 2016

Deux instantanés d’un parcours des musées américains de la côte Est. Le premier à Harvard : Le Portrait de Victor Chocquet par Renoir, intéressant à plusieurs titres. On y voit, comme dans peu de portraits, le rapport direct et confiant, amical, entre l’artiste et le modèle. Mais aussi l’acuité du regard, en même temps que la rêverie, du collectionneur. Au second plan, une esquisse de Delacroix, pour une lunette du Salon de la Paix de l’Hôtel de Ville, rappelle une Etude du même type dans la collection Le Polyptyque.

Le second à Philadelphie : Le Museum of Art est un des plus majestueux, et des plus intéressants, des Etats-Unis. La galerie de l’étage expose lHistoire de Constantin, 12 tapisseries sur des cartons de Rubens et de Pierre de Cortone. Il est amusant de distinguer le style des 2 artistes. Mais il est amer de réaliser qu’il s’agit, en tout cas pour les premières, d'un cadeau du Roi Louis XIII au Cardinal Francesco Barberini, légat (et neveu) du Pape Urbain VIII. Que de trésors ont ainsi traversé l’Atlantique qui sont un morceau de l’histoire européenne...

Week-end à Madrid

le 5 juin 2016

Quelques villes, qu’on pourrait qualifier de « hubs » artistiques, permettent, en croisant les calendriers, de voir à la fois plusieurs expositions de haut niveau. C’est le cas ce week-end à Madrid, avec le début de Jérôme Bosch et la fin de Georges de La Tour, l'une et l'autre au Prado, et Dessiner Versailles, au Caixaforum.

Cette dernière exposition présente les dessins et les cartons de Charles Le Brun pour le décor de l’escalier des ambassadeurs (aujourd’hui disparu) et le plafond de la galerie des glaces. Le premier est illustré par l'agrandissement d’une gravure, le second au contraire par une photographie en réduction qui permet de lire ce décor plus facilement qu'in situ... et de réaliser que l’art conceptuel ne date pas d’aujourd’hui.

Car outre que tout art, peut-être, est naturellement « conceptuel », l’allégorie, au 17ème siècle, tient parfaitement ce rôle. En témoigne cette toile très actuelle aussi par son thème : L’ordre rétabli dans les finances !

Chefs-d'oeuvre de Budapest

le 17 avril 2016

Le Musée du Luxembourg accueille une sélection des oeuvres du Musée de Budapest. On est tenté de se livrer, à l'échelle de cette sélection, à l'exercice auquel se livre, à celle de l'Amérique du Nord, Pierre Rosenberg dans son livre En Amérique seulement : quelle oeuvre y trouve-t-on qui n'a d'équivalent nulle part ailleurs, la plus unique, si l'on ose dire ?

Sans doute Tobie et l'Ange de Karel Dujardin, peintre hollandais, mais italianisant, du 17ème siècleOriginalité de la composition, si savante qu'elle touche à l'abstraction, raffinement des couleurs, ambiance minérale, tout y retient et surprend le regard.

Les « grands maîtres » ne sont pas toute la peinture, ni Rembrandt ou Vermeer tout le siècle d'or hollandais : parfois un artiste moins connu peut les égaler. C'est un des plaisirs de la collection, et ce n'est pas un hasard si ce tableau a été donné au musée par un des marchands et collectionneurs les plus avertis de la Belle Epoque, Marcell Nemes.

In the age of Giorgione

le 3 avril 2016

L'exposition In the age of Giorgione, dans les salles hautes de la Royal Academy, si congrues à ce type d'expositions modestes mais ambitieuses, permet à la fois de parcourir ce moment de la plus haute Renaissance, vers 1510, dans un lieu des plus emblématiques, Venise, et de se livrer, pourquoi pas, au jeu, tellement plus enrichissant que le Pokemon Go, de l'attribution.

L'attribution n'est pas, comme pourrait le faire croire une histoire de l'art oublieuse des artistes, une manie ridicule (encore qu'elle puisse le devenir, si à son tour elle oublie, derrière l'artiste, l'époque). C'est en regardant une oeuvre sans a priori, sans chercher immédiatement à lui étiqueter un nom, que ce nom vient le plus facilement, ensuite étayé d'arguments documentaires ou comparatifs. Exactement comme c'est à l'audition, sans connaître l'oeuvre et sans attendre de lire la partition, qu'on peut reconnaître l'esprit et le phrasé du compositeur.

Mais il faut avoir écouté beaucoup de musique, ou beaucoup visité de musées, et cela ne suffit pas toujours. A Venise, à ce moment, nombreux sont les peintres, nombreux les emprunts, les collaborations, les influences, tout un écheveau difficile à démêler après 5 siècles. On en est réduit, souvent, aux hypothèses.

L'intérêt d'une telle exposition est aussi de faire connaître des chefs-d'oeuvre lointains, tel ce Portrait d'homme venu de San Diego, Californie, l'un des rares dont l'attribution à Giorgione soit à peu près incontestée. La classe qui en émane ne se retrouve guère, par exemple, dans le Portrait d'un archer, à Edimbourg...

Une collection privée de dessins

le 6 mars 2016

Le Musée des Beaux-Arts de Bruxelles, dans sa partie Maîtres anciens, est dans un triste état, signe d'un budget fédéral en perte de moyens. Mais il expose jusqu'au 15 mai, et détaille dans un catalogue qui est un modèle du genre, une collection privée de dessins du 16ème et 17ème siècle, flamands pour la quasi-totalité. Le collectionneur n'en a pas moins récolté, dans ce champ relativement restreint, plus de 80 dessins.

Parmi eux, une Conversion de Saint Paul, dont la Fondation Roi Baudouin fera l'acquisition pour le Musée des Beaux-Arts à la fin de l'exposition. Proche, bien que plus tardive, d'un dessin du même sujet passé par la collection Le Polyptyque. La disposition, et surtout le cheval à terre, renvoient à une source commune, probablement rubénienne.

L'exposition démontre la possibilité, aujourd'hui encore, de constituer une belle collection de dessins anciens, et son utilité, puisqu'elle permet d'enrichir la compréhension des oeuvres, y compris d'autres collections.

La collection Dorival

le 7 février 2016

Au Musée de Meudon se termine une exposition modeste mais intéressante, de la collection personnelle de Bernard Dorival, historien d'art mort en 2003. On y trouve nombre d'artistes présents dans la collection Le Polyptyque : Boudin, Redon, Rouault, et Pevsner dont il discernait, dans les dessins, « une idée déjà précise, nette, complète dans son esprit ».

L'amour de l'art ne s'enferme pas dans une période, tout au plus une période peut-elle servir, aux vrais passionnés, d'entrée. Bernard Dorival était l'auteur (ou le co-auteur) du catalogue raisonné de Champaigne, et de celui de Rouault ; conservateur au Musée National d'Art Moderne, et du Musée National de Port-Royal des Champs.

D'une "grande" collection on ne montre que les gloires. D'une collection plus modeste on montre tout, et l'on mesure ici combien, quels que soient le goût et les connaissances du collectionneur, l'art contemporain (qui pour Bernard Dorival était celui de l'après-guerre) est une loterie parfois cruelle, le capital-risque de l'art en quelque sorte. A côté certes de Soulages, Vieira da Silva, Zao Wou Ki, nombre d'artistes méconnus, voire oubliés...

Week-end à Lisbonne

le 30 janvier 2016

Idée de week-end et de visite : Lisbonne en hiver, sa température douce, et la Fondation Gulbenkian, le mini-Louvre d'un méga-collectionneur. Dans un parc de 7 hectares, un bâtiment à l'architecture moderniste abrite toutes les formes d'art de l'antiquité à 1900 environ : céramiques, ivoires, émaux, textiles, manuscrits enluminés, et bien sûr mobilier, tableaux et sculptures, tous de la plus haute qualité.

L'un des plus remarquables de ces tableaux est le Portrait en pied d'Hélène Fourment, la seconde épouse de Rubens, passé par les collections du premier ministre britannique Robert Walpole et de l'impératrice Catherine de Russie au 18ème siècle, et vendu par le gouvernement soviétique en 1930. Son allure est d'une déesse, dominant la plaine et se détachant sur le ciel, et rien n'égale l'accord de mauve et de gris argent à ses manches, et la finesse, la légèreté palpable de la plume d'autruche qu'elle tient à la main : preuves d'amour, et de génie.

Si vous aimez Guardi, ou Lalique, vous adorerez les 2 salles qui leur sont à chacun intégralement consacrées. Calouste Gulbenkian était un collectionneur encyclopédique, supérieurement exigeant, mais aussi un passionné, capable de réunir des ensembles uniques d'un même artiste : une conjonction rare.

Is the Old Master market dead ?

le 6 janvier 2016

Sur l'excellent blog Art History News, une enquête sur le déclin supposé de la peinture ancienne.

Villa Flora

le 20 septembre 2015

Très belle exposition au Musée Marmottan. La Villa Flora, à Winterthur, abrite la collection réunie par Arthur et Hedy Hahnloser entre 1905 et 1936, dont jouissent aujourd’hui leurs descendants, qui depuis 20 ans la partagent avec le public. Une aventure heureuse comme peut l’être, seul(e), en couple, en famille, la constitution, et dans ce cas la préservation, d’une collection.

L’ensemble est très riche en peintures des Nabis : Bonnard, Vallotton, Vuillard. De ce dernier, des huiles sur carton du « tournant du siècle », de 1898 à 1906, dont on trouve aussi 2 exemples dans la collection Le Polyptyque.

L’exposition permet aussi de redécouvrir un Fauve encore sous-estimé, Manguin, un très beau Van Gogh… Ne la manquez pas.

Biennale de Venise

le 31 août 2015

Si la Biennale vous attire à Venise, ne manquez pas les grands contemporains que sont Bellini, Titien, Tintoret, Véronèse, dans les lieux mêmes où ils ont œuvré. L’art avait alors une fonction et une destination, c’est cela qui s’est perdu et qu’il est émouvant, fascinant, de comprendre, tout autant et peut-être plus que le discours des commissaires d’exposition.

Bellini, à San Zaccaria, nous parle d’art, ou comment la peinture est aussi architecture et musique. L’Assomption de Titien, aux Frari, d’enthousiasme (au sens étymologique du terme) et de l’aspiration à une vie meilleure, éternelle. Tintoret, à San Cassiano, de nos cauchemars et de nos fantasmes, transfigurés par la théologie. Véronèse, à San Sebastiano, de martyre, de révolte et d’oppression, sur un fond où la futilité ce dispute à la vanité. Chacun de ces moments nous parle aussi d’aujourd’hui. Et puis, d’une formule sans doute trop facile, l’art est présent quand il est présence. L’art contemporain semble parfois si étrangement absent…

 

 

Le Triptyque de Moulins

le 18 août 2015

Les musées et les expositions offrent rarement l’occasion d’un tête à tête avec un chef-d’œuvre. Mais à Moulins, un matin tôt, vous pouvez avoir cette chance, dans la chapelle de la cathédrale, dûment sécurisée, qui abrite peut-être le plus beau tableau de la Renaissance française, qui à ce niveau ne le cède en rien à l’italienne, le Triptyque de Moulins.

On en ressort enchanté par la douceur et le naturel de la Vierge et de l’Enfant, la diversité dans l’unité des anges, l’aisance des Saints présentateurs, la réserve des donateurs, une gamme aussi étendue que subtile d’expressions, de textures, de couleurs.

La reine Theutberge vs Cindy Sherman

le 15 juillet 2015

Une galerie amie, Les Enluminures, vient d'acheter 2 M£, pour le compte du Metropolitan Museum, l'Evangéliaire de la reine Theutberge, un manuscrit du 9ème siècle.

L'occasion de s'interroger - brièvement, d'autres y ont consacré des livres, dernièrement Michael Findlay dans The Value of Art - sur la valeur de l'art, justement, ou plus modestement sur la valeur d'une oeuvre.

L'art ne s'étalonne pas, moins encore que l'entreprise, qui du moins tient ses comptes, ou l'immobilier, l'art au m² ne signifie rien. Les "indices" de l'art non plus, qui ne mesurent que l'art qui réussit à se revendre, mais omettent celui qui ne vaut plus rien - ce qui est le sort à terme de la très grande majorité de l'art contemporain, à toutes les époques.

La valeur d'une oeuvre, c'est au final sa beauté, sa rareté, son état, son histoire. La reine de Lotharingie qui, très probablement, y lisait les évangiles il y a 12 siècles, avait épousé un arrière-petit-fils de Charlemagne, Lothaire II. Le volume est complet, le vélin, le texte lui-même et la décoration remarquablement préservés.

Pour le même prix on pouvait récemment acheter, par exemple, une photographie noir et blanc de Cindy Sherman, tirée à 3 exemplaires, dans une série de 69 scènes réalisée tout à ses débuts...

London Art Week

le 4 juillet 2015

La London Art Week, début juillet, combine ventes publiques, chez Sotheby's, Christie's et Bonhams, et expositions dans les galeries du quartier de Mayfair. A cette occasion un article du Financial Times explique le regain d'intérêt pour l'art ancien, y compris chez les collectionneurs d'art contemporain.

Musées de Francfort

le 20 juin 2015

Francfort a beaucoup compté dans l'histoire de l'art et des collections. C'est ici qu'a débuté la saga des Rothschild, dont le palais des bords du Main est devenu le Musée du Judaïsme. Le Musée Städel, fondé en 1815, eut comme directeurs Johann David Passavant (de 1840 à 1861), le premier "spécialiste" de Raphaël, et Georg Swarzenski (de 1906 à 1937). Ce dernier, qui faisait autorité dans l'art médiéval, fut aussi l'un des introducteurs de l'art impressionniste et moderne en Allemagne et le mentor de Robert von Hirsch, l'un des plus remarquables collectionneurs du 20ème siècle, dont la vente en 1978 donna le plus bel exemple d'une collection érudite, éclectique, source de plaisir et de conversation. On y trouvait des aquarelles de Dürer et de Cézanne, des émaux et des ivoires, un Greco de jeunesse, la Madone Branchini de Giovanni di Paolo, Matisse et Modigliani.

L'exposition qu'organisait le Musée Städel, Monet et la Naissance de l'impressionnisme (jusqu'au 28 juin 2015), plaçait Corot, l'Ecole de Barbizon et Boudin en éclaireurs de Monet et du bataillon impressionniste. On y découvrait des oeuvres rares (de Manet, L'Exposition Universelle de 1867, venue d'Oslo) et des liens oubliés (Monet tout près, à ses débuts, de Théodore Rousseau, comme Pissarro de Corot).

Les collections permanentes exposent de très beaux "primitifs" flamands et italiens, Le Géographe de Vermeer et L'Aveuglement de Samson de Rembrandt, tableau renversant, d'une couleur irréelle et d'une violence baroque. On y trouve aussi le Portrait de sa fille par Cornelis de Vos, qui l'a "croquée" dans un dessin passé par la collection Le Polyptyque.

Moins connue la Liebieghaus, musée de sculpture, vaut tout autant le voyage (4 heures de TGV de Paris). La Venus noire, silhouette à la Modigliani, achetée à la vente von Hirsch comme bronze vénitien du 3ème quart du 16ème siècle, est aujourd'hui attribuée à Barthélemy Prieur, le sculpteur d'Henri IV. Les oeuvres se déplacent dans l'espace et le temps au gré du regard plus ou moins informé que nous portons sur elles, cela participe de la magie de l'art ancien : la qualité prime, le nom vient ensuite.

Art Basel

le 18 juin 2015

Au premier jour d'Art Basel la foule déambule, bavarde, vaguement indifférente. Il est vrai que les VIP étaient à l'inauguration, la veille, et les super-VIP à la pré-inauguration, l'avant-veille. On se sent peu de chose, non tant face aux oeuvres, que face au système.

C'est d'une visite à la Fondation Beyeler, d'une longue conversation avec Ernst Beyeler en 2006, qu'est né Le Polyptyque. La magie du lieu, la légende de son fondateur, décédé en 2010, convainc musées et collectionneurs de prêter leurs chefs-d'oeuvre, comme c'est encore le cas pour l'exposition Gauguin (jusqu'au 28 juin 2015).

Devant le tableau le plus cher du monde, Quand te maries-tu ?, longtemps exposé au musée de Bâle et en partance, dit-on, pour le Qatar, on s'attarde forcément, avant de s'avouer qu'il n'est pas le plus beau. Mais bon, s'il est "iconique"...

De telles expositions monographiques sont précieuses. On y respire le parfum du peintre, qu'on saura mieux reconnaître. On y repère ses tenants (un bas-relief égyptien, sans doute, dans Le Marché) et aboutissants (dans le Portrait de Jeanne Goupil, peut-être, le premier Picasso). On y apprend, on y rêve, on y aime l'art.

Demeures écossaises

le 14 juin 2015

La visite de quelques demeures de la région des Borders, au sud d'Edimbourg, permet d'en admirer l'architecture néo-classique (Mellerstain House), l'opulence edouardienne (Manderston House), le romantisme des jardins (Monteviot House)... et de réfléchir aux notions de patrimoine et de collection.

Dalmeny House, près d'Edimbourg, propriété du comte de Rosebery, petit-fils d'un premier ministre de la Reine Victoria et d'une héritière Rothschild, abrite une collection de meubles, porcelaines et tapisseries de qualité muséale, et souvent de provenance royale.

Mertoun House, dans la vallée de la Tweed, propriété du duc de Sutherland, abrite une très belle collection de peintures (Diane et Callisto, d'Annibale Carracci, la Métamorphose du berger d'Apulie, de Claude Lorrain, ...). Les œuvres vraiment exceptionnelles (la Madone Bridgewater de Raphaël, la série des Sept sacrements de Poussin, ...) sont en prêt, depuis 1945, à la Scottish National Gallery.

Hannah de Rothschild était au 19ème siècle la plus riche héritière, et le duc de Sutherland le plus gros propriétaire foncier, du Royaume-Uni. Aujourd'hui ce sont les collections d'art, plus résistantes à l'érosion monétaire et fiscale, indifférentes aux évolutions sociologiques ou technologiques, qui constituent l'essentiel du patrimoine de leurs héritiers ou successeurs...

Week-end à Amsterdam

le 12 mai 2015

La saison des grands week-ends est de retour. A Amsterdam, les hôtels particuliers dont on voit sur les canaux, la façade étroite, cachent à l’arrière des jardins élaborés que l’on peut visiter une fois par an, le 3ème week-end de juin (du 19 au 21 juin 2015). Profitez-en pour admirer, au Musée de la Bible (Bijbels Museum) installé dans un de ces hôtels particuliers, le plafond représentant Apollon et les 4 saisons, de Jacob de Wit (1750), dont Le Polyptyque propose un dessin du même sujet au lavis d’encre brune.

Et que vous ayez vu ou non, l’an dernier, l’exposition Matisse, les Papiers découpés à la Tate Modern ou au MOMA, ne manquez pas l’exposition L'Oasis de Matisse, au Stedelijk Museum (jusqu’au 16 août 2015). Elle est ce que devrait être toute exposition, une joie pour les yeux et pour l’esprit.

Pour les yeux, depuis les œuvres fauves du tournant du siècle jusqu’au gigantesque papier découpé La Perruche et la Sirène (1953). Pour l’esprit, par les rapprochements opérés avec des œuvres qui montrent, de Malevitch à Rothko, combien Matisse, sans jamais prétendre au rôle d’un chef d’école, a néanmoins « libéré » la peinture. Au passage, il est fascinant de retrouver dans un Baigneur de Matisse (1909) ou un Baigneur, à nouveau, de Malevitch (1911), la même « force brute » que nous discernions dans un Nu de Léger (1911).

Nouveau site internet

le 5 avril 2015

Notre site internet est en ligne. Vous y découvrirez chacune des œuvres passées par le filtre du Polyptyque, et nous partagerons ici quelques-unes des actualités de l’Art qui retiennent notre attention, et nous permettent de parler de cette aventure qu'est une collection, celle du Polyptyque, et pourquoi pas la vôtre...

Sur cette page

La Régence à Paris (1715-1723) Van Gogh à Auvers-sur-Oise Les derniers mois Donatello au Palazzo Strozzi Dans le secret des grands décors de Delacroix Victor Brauner au Musée d'Art Moderne et à la Fondation Bemberg Studi e Schizzi à la Fondation Custodia Confinement : le moment de penser à votre collection… (suite) Confinement : le moment de penser à votre collection… Cézanne et les maîtres. Rêve d'Italie Confinement: entretiens avec de grands historiens d'art Naum Gabo à la Tate Léonard ou Greco ? Luca Giordano au Petit Palais Naum Gabo La collection Alana Chefs-d’œuvre du Guggenheim, la collection Thannhauser Berthe Morisot au Musée d'Orsay Berthe Morisot Utrecht, Caravage et l’Europe Verrocchio au Palazzo Strozzi Rembrandt et les Rothschild La Pinacothèque de Bologne Calouste Gulbenkian, « Mr. Cinq Pour Cent » Calder-Picasso A la Fondation Custodia Le Quattrocento à travers 2 expositions 3 expositions d’art moderne à ne pas manquer Tintoretto au Palais des Doges et à la Galleria dell'Accademia Dianne Dwyer Modestini : Masterpieces Les Impressionnistes à Londres, au Petit Palais Monet et l'Architecture, à la National Gallery Chagall, Lissitzky, Malevitch au Centre Pompidou Peggy Guggenheim / Marguerite d’Autriche : deux collectionneuses à travers l’histoire Collectionner avec John Maynard Keynes Double Vision, de William Middleton Au Los Angeles County Museum of Art Delacroix au Louvre Les Hollandais à Paris, au Petit Palais Tintoret au Musée du Luxembourg On trouve tout à la foire de Maastricht Bernini à la Villa Borghese A l'Ermitage Amsterdam Museo Bardini et Museo Horne à Florence Matisse et Bonnard à Francfort Rubens et Raphaël à Vienne Excursion à Chantilly, dans l'univers de Poussin L'art du pastel au Petit Palais Portraits de Cézanne à Orsay Assessing the Old Master market Dessins génois du Louvre Peindre la banlieue A propos de Venise Tokyo-Paris, une exposition trop discrète Michelangelo et Sebastiano Du dessin au tableau au siècle de Rembrandt Cy Twombly à Beaubourg La collection Chtchoukine Beyond Caravaggio La collection Tessin Fantin-Latour Musées de la Côte Est Week-end à Madrid Chefs-d'oeuvre de Budapest In the age of Giorgione Une collection privée de dessins La collection Dorival Week-end à Lisbonne Is the Old Master market dead ? Villa Flora Biennale de Venise Le Triptyque de Moulins La reine Theutberge vs Cindy Sherman London Art Week Musées de Francfort Art Basel Demeures écossaises Week-end à Amsterdam Nouveau site internet